Flash- Back: Angel Garcia

Flash-back

Dans les années 80.

Angel avait dans les 8 ans. Il vivait encore en Espagne avec toute sa famille dans une grande villa non loin de Madrid. Angel était un enfant dynamique et éveillé, il aimait parcourir les jardins de la villa, profitant de la nature passionnée et des paysages espagnols.
Son père travaillait dans les affaires, il passait beaucoup de temps dans son bureau et lorsqu’il ne travaillait pas, il se rendait dans des dîners très luxueux où il rencontrait les autres chefs d’entreprises comme lui. La mondanité faisait aussi partie intégrante de son travail. La mère d’Angel, Maria, épaulait son mari dans son travail et organisait de temps en temps des grands dîners d’affaires où elle jouait les hôtesses.
Le jeune Angel n’y était bien sur pas invité mais il s’y serait profondément ennuyé. Cependant ses repas l’intriguaient. Dans son esprit d’enfant, il s’imaginait des choses merveilleuses et abracadabrantesques comme si ses parents discutaient du sort du monde lors de ses repas.
Angel avait une imagination fertile, ce qui était à la fois sa force et sa faiblesse. Il s’inventait un univers merveilleux et se prenait pour de très de nobles chevaliers venant à la rescousse de dames en détresse en détruisant les monstres qui les menaçaient.

Ce soir-là, ses parents ne sortaient pas et Angel se réjouissait de les avoir à ses côtés. Mercedes, sa nourrice, l’avait habillé avec soin et il savait que quelque chose l’attendait. C’est pourquoi il faisait preuve de fébrilité tandis qu’il enfilait son pantalon noir droit, sa chemise blanche et une cravate. Mercedes tentait tant bien que mal de maintenir le chenapan pour discipliner la masse de cheveux noirs. Au bout d’un moment, elle dut jeter l’éponge, et conduisit le jeune Angel jusqu’au salon.
Maria et son mari José étaient assis dans l’un des longs canapés beige du salon. Maria était une femme encore très belle pour son âge. Elle disposait d’une imposante chevelure brune qui lui descendait jusqu’à mi-dos. Son visage ovale n’avait rien perdu de sa jeunesse et de sa force. Une expression de noblesse se dégageait de ses traits. Ses yeux mordorés se posèrent sur l’enfant et elle lui sourit.
« Oh, tu es si beau Angel dans ses habits !
Son visage s’illumina d’un doux sourire. Son mari José se leva lentement, avec majesté. Il disposait d’une silhouette bien découplée, il était encore mince et musclé. Il s’avança d’une démarche féline jusqu’à un minibar et se servit un verre d’alcool.
_Entre Angel, n’aie pas peur.
L’enfant en effet était resté à la porte, attendant sans doute un signe de ce père si impressionnant qu’il estimait tant.
José lui sourit. Il était encore très séduisant. Il devait avoir dans les 40 ans à l’époque, il était plus âgé que sa femme. Ses cheveux d’un noir ébène commençaient à se teinter de mèches grisâtres, ce qui n’ôtait bien sur rien à son élégance. Il portait l’un de ces sempiternels smokings, il paraissait toujours si impressionnant, si maître de lui.
Il s’assit à côté de sa femme et tapota la place sur le canapé à côté de lui pour inviter l’enfant à s’y asseoir. La nourrice se retira et l’enfant courut jusqu’à la place qu’on lui avait assignée. Il souriait de toutes ses dents, bien que visiblement il commençait à lui en manquer certaines.
Le père ébouriffa la tignasse ébène de l’enfant.
_ Angel, nous avons quelque chose d’important à te dire, nous te demandons d’être attentif surtout.
La voix de son père, si grave, faisait toujours autorité. Impressionné, l’enfant acquiesça.
La mère se pencha vers lui, souriant toujours, ses cheveux bruns vinrent encadré son visage d’ange.
_ Mi amor, mi corazon, tu vas avoir une petite sœur…
L’incrédulité dut se peindre un instant sur le visage du petit garçon. Puis soudain, il poussa un petit cri et se mit à sourire.
_ Une sœur, une petite sœur, c’est vrai ? »
Il se leva et se mit à faire des bonds sur l’épais tapis du salon sous le regard indulgent de ses parents.
_Une petite sœur rien qu’à moi, dont je serais le grand frère ? Ô maman, c’est si merveilleux !
Il s’assit sur les genoux de sa mère et l’embrassa sur la joue.
_Maman, je te promets que je serais un grand frère parfait, que je prendrais toujours soin d’elle ! Je te le promets Maman !
La mère fut émue par la déclaration naïve et spontanée de son fils.
_Bien sur que je te crois mon enfant, j’ai confiance en toi. »


Dix années plus tard :

Ils avaient déménagé deux années après la naissance de sa sœur, Soledad. La promesse de l’enfant auquel la mère n’avait pas prêté tant de foi, restait gravée en sa mémoire. Il serait le frère parfait, il prendrait soin de sa sœur et celle-ci ne serait jamais malheureuse.
C’est ainsi que, dès sa jeunesse, il l’avait toujours protégée et la jeune Soledad avait toujours put compter sur son grand frère Angel. Il avait été là pour l’épauler lors de son entrée à l’école, il l’avait protégé des garçons, il s’était battu pour elle, avait endossé la faute de choses qu’il n’avait pas commise. Il était toujours là et les deux enfants s’aimaient d’un amour inconditionnel. Cependant, alors qu’Angel atteignait les 18 ans et que, faisant preuve d’une intelligence extraordinaire, il se destinait à des études de médecin, les relations commencèrent à se détériorer. Soledad avait environ dans les 8 ans. Lorsque son frère lui avait annoncé qu’il allait partir le mois prochain, elle s’était enfermée dans un profond mutisme et n’avait plus quitté sa chambre.
Faisant preuve d’une mauvaise humeur étonnante à l’égard de son grand frère, la tension augmentait de plus en plus dans la famille. L’orage devait bientôt éclater.
C’est bien ce qui se passa lors d’une soirée d’août. Son frère quittait la maison la semaine prochaine, il allait avoir son propre appartement et n’allait plus que revenir rarement à la maison.
Ils étaient tous à table. Son père et sa mère discutait d’affaires et Angel tentait de dérider sa sœur. Celle-ci avait le nez plongé dans son assiette et ne semblait pas écouter son frère.
Cette attitude commençait à énerver Angel.
« Bien Soledad, continue à ne pas parler. Peut-être te réjouis-tu de mon départ ? N’ai-je pas toujours tout fait pour toi ?
Angel savait qu’il exagérait, mais il n’était pas espagnol pour rien, et la passion lui faisait dire des choses qu’il ne pensait pas.
Sa sœur releva la tête et il vit se peindre sur son visage une expression qui lui fit froid dans le dos.
_Peut être crois-tu que je ne suis rien sans toi, que je n’existe pas sans toi ?
Les parents se turent pour observer leurs enfants. Angel fronça les sourcils, ne comprenant pas à l’évidence ce que lui reprochait sa sœur.
Celle-ci, hors d’elle, se releva brusquement, faisant tomber ses couverts.
_Oui, Angel, le parfait Angel, celui qui a toujours raison, qui est toujours le plus fort, celui qu’on admire. Tandis que moi, je ne suis rien. La petite Soledad est seulement la sœur d’Angel, du Grand Angel. Elle n’existe pas par elle-même, elle n’est rien. Elle n’a jamais était capable de rien. Si on la respecte, si on l’admire, c’était toujours à cause de son grand frère. Si elle fait des efforts, réussit en quelque chose, c’est toujours insuffisant face à son grand frère. Tu m’aimes Angel, mais tu me tues. Ton amour écœurant me tue, j’ai du le supporter sans broncher pendant des années, oui, l’amour filial, le prétendu amour filial.

Elle fut secouée par un rire nerveux. Tout le monde l’écoutait sans rien dire, Angel était cloué dans sa chaise, son cerveau se refusant à comprendre. Il était abasourdit par toute cette haine.

_Oui, j’ai hâte que tu partes, j’ai hâte que tu t’en ailles car je pourrais enfin vivre. Pour tout te dire, j’aimerais que tu meures !

Elle se laissa retomber dans le fauteuil, exténué. Elle observait son frère qui ne réagissait toujours pas. Les parents étaient eux aussi abasourdis, ils ne s’étaient jamais doutés de rien.
Tous les regards s’étaient tournés vers Angel. Celui-ci ouvrait la bouche mais aucun son n’en sortait, il avait l’impression que son cœur s’était brisé en deux, il avait du mal à reprendre sa respiration.
Soudain, il se leva et quitta la table sans un mot. Il prit ses affaires et s’en alla.


A partir de ce jour, les relations avec sa sœur furent changeantes, Angel l’aimait profondément et courrait toujours à son secours dès qu’elle avait besoin d’elle, cependant cette attitude était souvent rejetée par sa sœur.
Angel ne se rendait pas compte qu’en faisant cela, il l’empêchait d’être véritablement indépendante.
Soledad eut donc une scolarité assez difficile, elle se montra rebelle à l’adolescence, accumula diverses frasques. Elle fugua, fuma, se drogua et lorsqu’elle était en péril, Angel intervenait tel un chevalier servant.
Il payait pour ses bêtises, réparait ce qu’elle avait fait, financé ses cures de désintox, tout en cachant cela à ses parents. Il n’avait pas oublié la promesse qu’il lui avait faite enfant, et il ne l’oublierait jamais, quoi que pourrait faire sa sœur, quoi qu’elle pourrait dire, il l’aimerait toujours et la protégerait toujours.